Avertissement: ce blog peut choquer certain d’entre vous qui ne peuvent lire qu’au premier degré. Après lecture, si l’envie vous vient de m’écrire un commentaire sur à quel point je suis sans-coeur, vous faites partie de ce nombre de personne qui n’auront pas compris la moitié de ce que j’ai exprimé… Je ne vous en voudrai pas, mais je vous suggère fortement de relire.

Cédrika est, à mon avis, morte. Statistiquement morte. 1% de chance le jour de son enlèvement, 10% après 2 jours, 25% après 3 jous et 50% après une semaine. Nous sommes présentement à plus d’un mois… Je crois que 95% ne serait pas un pourcentage exagéré.

Lorsque je suis partie pour la Floride, la disparition de Cédrika Provencher était le cover story de la presse partout au Québec. Mon avis à ce moment était: encore une autre. Je pensais qu’à mon retour, elle aurait été déjà retrouvée, à moitié nue dans un bois, probablement violée, assenée de coup à la tête et tuée. Voilà.

Mais à ma surprise, je reviens et c’est encore cette histoire qui fait la une. Pire, c’est sur les tribunes téléphoniques et voilà que Claude Poirier s’en mêle. Je reçois même la missive de M. Poirier par courriel. Voilà que son message est devenu l’un de ces multiples pourriels que l’on reçoit constamment dans notre boite Hotmail.

Après quelques jours, mon nick afficha quelque chose comme: “Arrêtez de jouer les aveugles. Cédrika est morte et la réalité c’est que la presse va rapidement passé à la prochaine.” En fait, c’était encore plus raide que ça. Et Marco m’en fit part. Il me trouvais toff sur mon nick. Et je l’étais en effet. Et je le serai encore…

J’en ai plein le cul que le monde ne réalise pas que c’est la même histoire que d’habitude. Moi, aussi sans-coeur que ça peut paraître, j’en vient à être immuniser en quelque sorte. Une fillette enlevée? Ah bon… encore une autre. Comme tout le monde, c’est sûr que je souhaite qu’ils la retrouvent, c’est sûr que je compatie avec les parents. Mais fact of the matter is, elle sera morte. Comme plein d’autres avant elle, comme les gars qui se sont noyés dans la rivière X, comme les p’tits vieux amnésiques qui se perdre, comme les jeunes enfants qui se noient chaque année dans une piscine.

Je suis tanné que les gens prennent les drames qui arrivent comme si c’était la toute première fois que ça arrive. Mais les gens sont manipulable. C’est la presse qu’on doit montrer du doigt.

J’ai lu dans le Journal de Mourial une citation de la mère. Difficile à manquer, elle était en caractère gras bien en évidence à la page 3. La mère, en larmes lors d’une conférence de presse, mentionnait qu’elle ne pouvait pas passer la journée de l’anniversaire de sa fille (qui était le surlendemain) sans cell-ci. Elle ne passerait pas au travers.

Vous croyez que les médias sont véritablement touchés et souhaite faire preuve de compassion et de solidarité? En fait non. Tout ça, c’est du gros criss de mélodrame pour les médias. Et le mélodrame humain vends. Derrière la bonne intention se cache la véritable intention. Ils s’en gavent jusqu’à la prochaine p’tite fille ou le prochain scandale politique. D’ici là, ils en font un gros soap médiatique.

Qu’est-il arrivé à la mère lorsque la journée fatidique de l’anniversaire de sa fille est passée? Sanglots, crises, moral démoli. S’est-elle suicidé? Eh non… Elle a passé sa journée très difficilement, et le lendemain elle était encore là. Et ce qu’elle a dit, cette belle citation en gros caractère dans le journal, cette bullshit journalistique, n’aura servi qu’a une chose. Aller chercher droit au coeur les gens qui n’étaient pas touché encore par cette tragédie. Aller chercher d’autres spectateurs. Soap médiatique.

Ce n’est pas la première fois qu’un enfant disparait, mais les gens agissent comme si c’était le cas. Et les médias poussent la note en manipulant la nouvelle pour en faire LA nouvelle. Celle qui doit être sur tout les lèvres. Celle qui doit faire la lead story au bulletin de 18h, celle qui doit “retenir l’attention”.

Être à la place de la mère, je ferais quoi? Je capoterais. Je perdrais l’appétit. Je n’en dormirais plus. Je serais sur le bord de la crise de nerf. Comme tout bon parent, l’idée de perdre mon enfant de cette façon est la pire chose qui pourrait m’arriver.

Mais je ne critique pas la réaction de la mère. Et c’est ici que ceux qui veulent me blaster doivent s’arrêter et relire tout ce qui est ci-haut. Je critique l’agissement des médias et de la société en général autour d’une histoire qui n’en est qu’une parmi tant d’autres. Les médias d’aujourd’hui ont le même pouvoir que l’église avait au tournant du siècle. Le monde écoutent les médias, le monde ne jurent que par les médias. Le monde se laissent manipuler par les médias.

Chaque année, il y a des enfants qui meurt noyés parce qu’il y a un manque de sécurité autour des piscines privées. Y’a rien de nouveau là dedans. Mais chaque année, on recommence la même game médiatique. “Il faut surveiller vos enfants… Juste 2 secondes et ça peut arriver à vous aussi… Faut mettre des clôtures… Voici un reportage sur blablabla… Voici une chronique sur blablabla…”

C’est toujours la même affaire, toujours la même stratégie. À un tel point que j’en viens fasciné sur l’aspect prévisible de la chorégraphie littéraire. Et fasciné également de voir à quel point les gens sont golubiles. La presse tourne ces histoires d’une manière tellement nouvelles que les gens prennent tout ça pour du nouveau. Pas étonnant qu’on appele ça des “nouvelles”.

Chaque année, je fais un pari. À savoir dans quelle semaine de l’été il y aura le premier enfant noyé dans une piscine sur le front page du Journal de Mourial. C’est à ce moment que le bal s’enclenchera. Ce que j’hais le plus, c’est que les gens n’apprennent pas, ou ont volontairement la mémoire courte. Je rêve un jour d’entendre un média dire: “Coudonc, on ne vous le dit pas assez chaque année. On vous le répète encore une fois là. Mettez une clôture!”

Mais ne pensez pas que le cirque médiatique est une perte de temps. En dehors de l’aspect sensation, il y a quand même ce but de retrouver la fillette. Ça va marcher éventuellement. Ils vont la retrouver… et elle sera morte.. point à la ligne, prochaine histoire médiatique: les élections.

Si ça m’arrivait et que personne n’en parlerait, je virerais fou. Mais je critique l’hypocrisie des médias. Pour eux, ce n’est qu’une belle histoire à saveur de drame humain qui se joue dans leur pages et qui apportent un lot de lecteurs. Je critique les médias qui profitent de ce drame pour le rendre plus gros et plus “vendeur”. Les médias se gavent de tout ce qui leur tombe sous la main dans cette histoire… mais quand ça sera terminé.. ils vont passer au prochain sujet aussi rapidement que possible. Le roue tourne, faut publier, faut vendre.

La réalité, ce n’est pas la mère qui dit “J’passerai pas la journée”. Ça c’est le mélodrame. On sait très bien qu’après-demain, elle n’ira pas dire au médias “J’ai pas passé la journée”. Ça serait vraiment stupide. La réalité c’est qu’elle n’aura simplement pas le choix de passer sa journée. Mais les médias mettent l’emphase sur la citation, le drame.

Drame humain = côte d’écoute / lecteurs

Et comme dans tout bon soap, lorsqu’un acteur connu s’en mêle, c’est la folie. Claude Poirier arrive dans le décor. Let’s go, gros plan, revirement de situation, solidarité… côtes d’écoute.

Il est à noter qu’au moment d’écrire ces lignes, l’attrait de cette histoire a diminué largement. La dernière nouvelle à ce sujet sur le site de Canoe remonte à 4 jours, remplacée par le décès de la mairesse Boucher ainsi qu’une nouvelle nouvelle d’enlèvement dans une camionette bourgogne. Je compatie avec les parents qui se demanderont peut-être pourquoi l’aide des gens diminue et devront céder leur place à des sujets de reportage plus “d’actualité”.

Est-ce que ça fesse? Est-ce que les gens vont comprendre ce que j’essais d’expliquer? Est-ce vraiment trop raide pour être exprimé? Mes propos sont insencés? Vais-je m’attirer les foudres de mes lecteurs? J’ai demandé avis à Marco, fidèle lecteur de mon blog. Son opinion était bien simple: “Moi je farmerais ma yeul la tsu”

Excellent… alors je publie.